Dominique Lhuilier : "Il faut reconnaître la possibilité à chaque salarié de construire sa manière de faire"
Dominique Lhuilier : Prix du livre RH 2017.
"Que font les 10 millions de malades ?"Dominique Lhuilier, professeur émérite au Conservatoire National des Arts et Métiers, et Anne-Marie Waser, Maître de conférences au CNAM, ont reçu le Prix du Livre RH 2017, décerné par Le Monde, Sciences-Po et Syntec Recrutement, avec leur ouvrage, "Que font les les 10 millions de malades ?". La maladie, un thème souvent tabou dans les entreprises. Dominique Lhuilier revient, pour nous, sur ce sujet épineux. |
Avec ce livre, quel message avez-vous voulu faire passer ?
Dominique Lhuilier : Nous avons écrit ce livre car il nous semble que l’on continue à penser que les gens qui travaillent sont en bonne santé. C’est faux. Le nombre de personnes qui ont des problèmes de santé est en augmentation très forte. Il y a, aujourd’hui, un employé sur quatre qui a des problèmes de santé, notamment des problèmes durables (cancer, sclérose en plaque). Il faut faire sortir du silence ce thème. La maladie n’est pas que dans la sphère privée, ça impacte aussi le travail. L’objectif est de faire attention à la compatibilité des organisations du travail contemporaines avec ces évolutions-là. Si on reconnait que beaucoup de personnes ont des problèmes de santé, il faut repenser les processus de formation, l’aménagement des postes de travail. Il faut penser le travail pour tous, pour prévenir la multiplication des personnes qui seraient reléguées hors du monde travail. Ils ont des capacités de travail, mais il faut les préserver.
Que doivent faire les entreprises ?
Nous sommes allées en entreprise pour voir comment elles s’adaptent. Qu’est-ce qui est mis en place pour tenter d’éviter de se débarrasser des gens qui ont des problèmes de santé ? Ça serait une perte pour l’entreprise, car ce sont des gens plus humains, souvent avec beaucoup d’expérience. C’est un gain pour l’entreprise de maintenir ces personnes. Ce n’est pas juste un devoir.
Quelles sont donc les solutions pour ne pas exclure ces personnes ?
Il faut reconnaître la possibilité à chaque salarié de construire sa manière de faire, sous réserve de remplir les objectifs, bien sûr. Reconnaître que chaque individu est différent. Tenir compte de la variabilité des individus au travail et préserver des marges de libertés pour que chacun puisse faire de la manière la plus ajustée à ses caractéristiques personnelles. Ces organisations sont favorables à la santé.
Cela revient-il à remettre plus d’humanité dans le monde travail ?
L'expérience de la maladie va développer des compétences, des savoirs, qui donne aux malades un autre regard sur le sens du travail ou les priorités existentielles. Qu’est-ce qui est important dans la vie ? Ils vont être plus sensibles aux difficultés, plus ouverts à la solidarité, à l’écoute, à l’entraide, avec le sentiment de devoir rendre ce qu’ils ont reçu. Cela amène à développer une sensibilité plus grande aux soucis de soi et de l’autre.
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