L’exemplarité, nouvelle arme de leadership
Comment mobiliser et engager ces équipes aujourd’hui ? Par l’exemplarité. Le manager, comme le dirigeant, doit montrer l’exemple et s’appliquer à lui-même ce qu’il exige de ses collaborateurs. Tessa Melkonian, professeur à emlyon business school décrypte pourquoi un leader doit être exemplaire*.
Qu’est-ce que l’exemplarité ?
Tessa Melkonian : Cela consiste à ne demander aux autres que ce qu’on s’astreint à faire soi-même. Si je demande à mes équipes de coopérer, je dois le faire aussi. Cette définition est simple et permet de positionner l’exemplarité dans le contexte de l’entreprise. C’est avant tout une perception. Chacun perçoit l’autre comme exemplaire ou non. Elle dépend de la demande qui est adressée, de l’effort demandé. Les individus regardent ce qui se passe autour d’eux et comment réagissent les autres, et particulièrement les figures d’autorité.
Qu’est-ce qu’elle permet dans le monde de l’entreprise ?
L’exemplarité est importante pour favoriser l’apprentissage, la prise de risque, l’engagement et la coopération. On la retrouve également dans la philosophie de l’éducation. Quand je vois mes figures d’autorité s’astreindre aux efforts demandés, je joue le jeu, je me mets en danger et je coopère.
Pourquoi est-ce si nécessaire aujourd’hui dans nos entreprises ?
Car l’environnement a changé. Au XXe siècle, le besoin d’exemplarité était moins impérieux. Les efforts demandés aux salariés étaient modérés. Tout était prévisible, les notions de carrière et de sécurité de l’emploi étaient à la portée de tous. Notre travail pour l’entreprise était récompensé par une progression interne. Et les gens avaient confiance dans l’organisation. Aujourd’hui ces leviers classiques de la motivation ont disparu et le focus attentionnel se pose sur le dirigeant. Les efforts demandés sont trop importants et le « deux poids deux mesures » n’est plus tolérable. Il suffit de regarder ce qui se passe en politique : les contraintes ne sont plus acceptées si l’élite ne s’y plie pas.
L’exemplarité est-elle le seul levier d’engagement des collaborateurs ?
Non, heureusement, l’engagement dans une entreprise ne repose pas seulement sur cet aspect. La notion de justice est également importante, ainsi que la confiance. Mais ce qui est intéressant, c’est que dans un contexte d’efforts, l’exemplarité joue un rôle majeur. Et ce n’est pas une question de génération puisque les attentes sont les mêmes pour tous : autonomie, sens, justice et exemplarité.
Au contraire, que provoque l’absence d’exemplarité ?
Un désengagement, un manque de coopération voire du cynisme. C’est catastrophique pour une entreprise, qui a particulièrement besoin d’engagement au XXIe siècle.
Être exemplaire, n’est-ce pas beaucoup demander aux managers et aux dirigeants ?
Il ne faut pas considérer l’exemplarité comme une caractéristique innée mais comme une partie intégrante du poste. Elle demande de l’énergie, une réflexion sur soi et sur son impact. Le dirigeant, comme le manager, doit accepter le fait qu’il est tout le temps observé. C’est lourd mais cela est inhérent à l’incertitude ambiante. Il ne s’agit pas d’être parfait mais de s’astreindre aux mêmes efforts que ceux demandés aux équipes.
Comment mieux accompagner les managers et les dirigeants sur ce volet ?
Il faut renforcer l’éducation sur le sujet, notamment dans les business schools. J’observe que les étudiants (et futurs managers) sont peu préparés à l’exemplarité. Il faut les sensibiliser afin qu’ils soient conscients des conséquences et qu’ils puissent choisir les comportements sur lesquels ils doivent être exemplaires. Cette posture est aussi une source de légitimité. Elle donne une autorité nouvelle, qui n’est pas uniquement descendante.
* Tessa Melkonian est l’auteur du livre Pourquoi un leader doit être exemplaire.