DRH, concentrez-vous sur le décrutement
Accompagner un collaborateur vers la sortie n’est pas un échec. C’est souvent un levier de performance et d’équilibre pour l’entreprise. Le décrutement n’est pas un gros mot : c’est une compétence RH stratégique, aussi essentielle que le recrutement lui-même.
Par Patrick Leconte, président et fondateur de TTI Success Insights France, leader des outils d’évaluation RH.
Décruter, le mot peut faire frémir. Certains y voient un licenciement déguisé, d’autres une pratique managériale froide. Pourtant, le décrutement est une étape naturelle de la vie d’une entreprise.
Intégré à la GPEC (Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences), il consiste à identifier le moment où une collaboration doit s’arrêter, non pas dans la douleur, mais dans la lucidité.
Décruter, c’est savoir reconnaître quand un salarié ne trouve plus sa place, quand ses motivations s’épuisent, ou quand ses forces ne correspondent plus aux besoins de l’organisation. Cela demande une vraie connaissance des profils comportementaux, des talents naturels et des leviers de motivation.
Pourquoi le décrutement améliore le recrutement
Le décrutement commence… dès le recrutement.
Penser la fin d’une collaboration dès son début pousse le recruteur à aller au-delà du CV, pour comprendre qui est vraiment la personne qu’il a en face de lui.
Se poser les bonnes questions sur les compétences personnelles et comportementales du candidat permet de :
- Sélectionner les talents alignés avec la culture d’entreprise
- Prévenir les risques de départs difficiles
- Valoriser les soft skills plutôt que le simple CV
Lors de nos formations, la réponse moyenne est claire : 20 % technique, 80 % soft skills.
Ce constat est fondamental. On peut toujours apprendre une compétence technique, mais on ne change pas une personnalité.
Recruter, c’est donc aligner les motivations, la culture et le potentiel du candidat avec les besoins réels du poste. C’est aussi anticiper le moment où cet alignement pourrait s’éroder.
Aujourd’hui, les carrières sont évolutives : un collaborateur ne reste pas au même poste dans la même entreprise tout au long de sa vie professionnelle. En intégrant le décrutement, l’entreprise se prépare à accompagner les mobilités internes, les reconversions et les séparations naturelles.
C’est un changement de paradigme : au lieu de subir les départs, le RH les oriente et les valorise.
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Décrutement : une alternative intelligente au licenciement
Le décrutement permet de mettre fin à une collaboration au moment opportun :
- Sans conflit inutile
- En préservant la motivation et l’image de l’entreprise
- En valorisant l’expérience du salarié pour ses futurs postes
Il ne s’agit pas d’un licenciement déguisé. C’est un processus concerté et respectueux, fondé sur le dialogue et la compréhension mutuelle.
Le départ devient alors un acte de maturité professionnelle, presque une continuité logique de la relation de travail. Cette approche valorise l’individu, reconnaît son parcours et lui permet de rebondir dans de bonnes conditions.
C’est une gestion responsable des talents qui renforce la marque employeur et améliore l’attractivité de l’entreprise sur le marché du recrutement.
Réduire le désengagement
Au-delà des départs, le décrutement permet de réduire le désengagement des collaborateurs. Un désengagement qui coûte cher à une entreprise : jusqu’à 30% de sa rémunération annuelle. En cause : une perte de productivité, des tensions internes, un climat social dégradé…
Les DRH ont alors un rôle clé : ils deviennent des architectes de trajectoires professionnelles, capables de repérer quand un talent doit évoluer…ou partir.
En analysant objectivement les forces, les préférences et les zones d’inconfort d’un collaborateur, le décrutement devient un processus de co-décision.
Changer de regard sur la sortie
Décruter, ce n’est pas exclure. C’est reconnaître que chaque cycle professionnel a un début et une fin.
Vouloir fidéliser à tout prix un talent, c’est nuire à sa performance et à la performance collective. Savoir accompagner sa sortie, c’est faire preuve d’intelligence relationnelle et émotionnelle.
Le décrutement peut aussi permettre de maintenir un lien avec l’ancien salarié. La sortie s’est faite sans conflit, sans douleurs, les relations ne sont pas rompues.
En conclusion : décruter, c’est le courage de la clarté
Recruter, c’est séduire. Décruter, c’est oser dire la vérité, avec respect, humanité et stratégie. C’est reconnaître que comme dans toute relation, la relation professionnelle a un début, des hauts et des bas, et une fin.
Décruter, c’est mettre fin à cette relation avant qu’elle ne devienne toxique. C’est admettre que le profil collaborateur et celui de l’entreprise ne sont plus alignés.
Pour les DRH, maîtriser l’art du décrutement, c’est passer du rôle d’exécutant administratif à celui de chef d’orchestre des talents. C’est replacer l’humain au cœur des décisions RH, tout en renforçant la performance collective et la marque employeur.