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Ces managers qui ne veulent plus être managers

Entre nous, qui sait réellement ce qu’est un manager aujourd’hui ? La définition de cette fonction reste vague, elle est devenue un “fourre-tout” et le rôle de gestion des équipes se mêle à l’opérationnalité. Résultat : manager n’attire plus. Nombre de cadres y ont renoncé, ou ne s’y essayent même pas. Ils préfèrent refuser une promotion, stagner dans leur carrière voire même rétrograder dans la hiérarchie. Pourquoi ce désintérêt pour la fonction de manager ? Comment y redonner goût ? TTI Success Insights analyse ce sujet qui affole les dirigeants et interroge ceux qui le vivent au quotidien : Thierry Picq, Elise Balanche, Gilles Lang et Charlotte Galligani.

Le 24 jan. 2023 Illustration Ces managers qui ne veulent plus être managers
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Pourquoi manager ne fait-il plus rêver ?

Auparavant synonyme d'ascension hiérarchique et de nouvelles responsabilités, la fonction de manager semble aujourd’hui s’apparenter aux notions de stress et d'épuisement. D’après OpinionWay, 20% des cadres ne souhaitent plus gérer d’équipe. Un phénomène d’autant plus marqué chez les femmes cadres (25%) et les 35-49 ans (27%) (1).

Elise Balanche, responsable Recrutement et Marque Employeur chez Geolid, partage ce constat : “La fonction de manager n’est plus perçue comme le graal, ce n’est plus la voie reine comme elle l’était avant. Beaucoup plus de cadres aspirent aujourd’hui à des évolutions horizontales et pas forcément hiérarchiques”.

Comment expliquer ce manque de motivation à diriger des équipes ?

 

La crise sanitaire

Les confinements et le télétravail ont bouleversé les codes du management. Dans un contexte incertain et face aux difficultés à diriger une équipe à distance, le découragement et le mal-être des managers se sont renforcés. Le climat tendu de la crise a détérioré les relations au sein des équipes, rendant difficile, parfois stressante, la gestion des collaborateurs à distance. Fatigue, sentiment de solitude, dégradation des conditions de travail, et pourtant stagnation des salaires, sont autant de difficultés auxquelles les managers ont dû faire face pendant les deux dernières années. Ces difficultés ne sont pourtant pas nouvelles :

“Le Covid-19 a révélé et accéléré des phénomènes déjà existants. Le manager a toujours eu beaucoup de responsabilités mais ça s’est amplifié aujourd’hui. Et pourtant, leur fonction n’est pas plus valorisée, ni mieux payée”, explique Thierry Picq, professeur de management à l’emlyon et cofondateur d’Act4 Talents.

Comment motiver ses équipes quand on perd soi-même la motivation ? D’autant que ces managers sont, comme leurs équipes, très attentifs à leur bien-être et en attente d’un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Les études montrent que les jeunes, qui sont la prochaine génération de managers, ne voient plus le travail comme la première source d’épanouissement. En effet, pour 45% des 18-24 ans, le premier indicateur de réussite est le bonheur et le bien-être au travail, suivi de seulement 33% pour la rémunération (2). Ils privilégient le plaisir et aspirent à moins de responsabilités.
 

La surcharge de travail

Or, 34% des managers travaillent plus de 50 heures par semaine (3). Ces horaires à rallonge renforcent leur épuisement et rendent difficile la conciliation entre la vie privée et vie professionnelle. Les nouvelles technologies tels que le téléphone portable et les applications de messagerie interne rendent les managers joignables à tout moment. À cela s’ajoutent l’excès de responsabilités et le stress ressenti par 66% des managers et généré par les attentes trop élevées de la hiérarchie (1). “Les managers doivent absorber le stress des patrons et diffuser une ambiance sereine aux collaborateurs. Ils se sentent très seuls”, affirme Thierry Picq.

Cette surcharge de travail s’explique notamment par le cumul de deux fonctions : le management et l’opérationnel. Les managers ne sont que rarement seulement managers. Ils endossent souvent cette fonction en plus de leur métier initial et le rôle de pilotage des équipes se perd au milieu d’innombrables autres tâches. S’occuper des équipes devient une mission annexe souvent mise de côté par manque de temps.
 

L’absence de formation

Autre facteur de démotivation : l’absence de formation au métier de manager. Ce sont souvent les techniciens les plus performants qui sont promus managers, sans accompagnement préalable. Du jour au lendemain, ils doivent endosser une nouvelle posture dont ils ne connaissent rien. Animation d’équipe, motivation, développement des collaborateurs sont pourtant des leviers stratégiques et des compétences qui s’apprennent et s’acquièrent. 

“Certains managers n’ont pas les outils pour adapter le mode de management à chacun de leurs collaborateurs. La tâche est complexe et la relation humaine demande une adaptation permanente au quotidien. La formation des managers est un vecteur de performance”, explique Gilles Lang, Consultant et fondateur de Rével +.

L’inadéquation avec la fonction de manager ou le manque de formation peuvent pourtant être préjudiciables pour l’entreprise. Un mauvais management peut en effet plomber la productivité et le moral des équipes voire dégrader les relations, et ainsi impacter les résultats de l'entreprise. Il y a aussi un risque de faire partir les collaborateurs, dans un contexte où les difficultés de recrutement sont déjà intenses. De plus, l’image négative qu’un collaborateur a de son manager peut briser ses vocations managériales et le décourager de devenir à son tour manager. En définitive, la fonction perd de son attractivité et les managers sont de moins en moins nombreux.
 

Le manque de reconnaissance

Dernier facteur qui explique cette crise des vocations : la perte de légitimité de la profession. Véritable fusible entre la direction et les collaborateurs, les managers sont remis en question. Du côté des collaborateurs, ils ne sont plus spontanément reconnus et doivent rapidement faire leurs preuves.

Aujourd’hui, tout le monde a accès à l’information et peut s’exprimer facilement et rapidement. Les modèles de travail deviennent plus horizontaux et collaboratifs, et le digital met la pression sur la vitesse. En parallèle, les attentes des collaborateurs sont de plus en plus exigeantes et individuelles, et les managers doivent s’efforcer d’y répondre”, explique Thierry Picq.

Du côté de la direction, les rapports se tendent également. La fonction n’est que peu considérée et apparaît souvent comme ingrate. “Les managers se battent pour leur équipe et ont parfois mouillé leur chemise. Mais face à la direction et aux collaborateurs, ils peuvent se retrouver entre le marteau et l’enclume”, observe Gilles Lang.

Aujourd’hui, le manager doit donc changer de posture pour muer vers un rôle d’animateur voire de facilitateur. 


Comment redonner le goût de manager ?

Aujourd’hui, mieux vaudrait être managé que manager… Les entreprises doivent réinventer ce métier et valoriser le rôle des managers pour qu’il soit, non pas synonyme de contraintes, mais d’épanouissement professionnel.
 

Former ses cadres au management

Cela démarre par un travail d’identification et de formation des managers. Un collaborateur promu manager ne doit pas être le plus performant, le plus expérimenté ou celui ayant la plus grande ancienneté dans l’entreprise. Les équipes ont besoin d’un leader, d’un meneur, d’un facilitateur.

“La tradition managériale est de nommer le meilleur expert. Le problème est que ça le met en position délicate : il doit avoir réponse à tout et n’a pas le droit de douter”, souligne Thierry Picq.

C’est un métier à part entière qui requiert certaines compétences managériales et comportementales innées ou potentielles, et non pas seulement des compétences techniques. Tous les cadres ne sont pas destinés à être managers. “Il faut réaffirmer la filière managériale non pas comme la voie de l’expertise, mais comme celle des relations humaines”, recommande Thierry Picq.

Pour Charlotte Galligani, responsable Recrutement chez Aidadomi, la formation des managers est d’autant plus importante depuis la crise sanitaire et l’arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail : “Les attentes des collaborateurs sont grandissantes et de plus en plus diversifiées. Le rôle du manager devient ainsi plus complexe, il est amené à rencontrer davantage de difficultés dans sa fonction. Cela lui demande d’acquérir d’autant plus de compétences”.

Compréhension des mécanismes humains, capacité d’écoute, gestion des conflits, leadership ou encore intelligence émotionnelle sont autant de compétences à développer pour apprendre à décoder les émotions de ses collaborateurs et les faire grandir. Pour aller plus en profondeur et renforcer l’identité managériale du manager, un accompagnement plus personnalisé tel que le coaching individuel peut être mis en place.

Au-delà des formations classiques, les entreprises peuvent mobiliser d’autres leviers beaucoup plus innovants. D’après Thierry Picq, l’expérimentation est la clé pour découvrir de nouvelles techniques d’accompagnement performantes. 

“Semaine de 4 jours, apprentissage entre pairs, mentor interne... de nombreuses initiatives sont déployées par les entreprises pour accompagner les managers et plus largement inventer le travail de demain”, assure-t-il.


Recentrer la fonction sur le management humain

Le rôle premier d’un manager est d’encadrer les collaborateurs et de les conduire vers un résultat donné. Il doit donc être consacré à l’humain et avoir pour rôle premier : la coordination et la motivation des équipes. 

Le manager est là pour assurer une production de qualité et des bonnes conditions de travail de ses collaborateurs. Et c’est justement sur ce volet humain qu’ils déclarent davantage vouloir se tourner : 40% des managers veulent consacrer plus de temps à l’animation et la cohésion d’équipe, et 39% d’entre eux au développement des compétences de l’équipe (3). Du côté des collaborateurs, cette redéfinition de la fonction managériale sur le plan humain stimule également leur investissement au travail : “Les collaborateurs vont s’engager pour leur manager si le manager s’engage d’abord pour eux”, nous explique Charlotte Galligani.

Le manager a donc, plus que jamais, un rôle stratégique au sein des entreprises, à la fois garant de la stabilité RH et de la performance économique. “Ils sont essentiels, confirme Thierry Picq. Toutes les entreprises ont besoin d’un minimum de règles et de cadre. Le manager est arbitre, garant des règles et de la stratégie insufflée par la direction”. Il faut donc prendre soin de ce joueur clé et redorer son maillot.

 


Comment repérer le bon manager pour ses équipes et assurer son efficacité ?
Les outils d’évaluation RH TTI Success Insights délivrent un état des lieux précis des capacités managériales d’un individu :
- Le PTSI, qui identifie les soft skills d’un collaborateur essentielles à la fonction de manager, et sur lesquelles il pourra s’entraîner.
- L’EQ, qui mesure l’intelligence émotionnelle d’un potentiel manager, c’est-à-dire sa capacité à traiter les flux d'émotions et de s'en servir à bon escient dans sa relation aux autres.
- Une fois le bon manager identifié, le DISC et le WPMOT évaluent son comportement et ses leviers de motivation ce lui permet de repérer ses forces, de s’adapter au style comportemental de ses collaborateurs et d’exceller dans sa future fonction managériale.


(1) Étude menée par OpinionWay pour Indeed en mars 2021 auprès de plus de 1000 cadres en France.
(2) Baromètre  «
Le bonheur au travail vu par les jeunes de 18-24 ans » réalisée par L’ISC Paris et l’institut d’études BVA auprès de 1102 jeunes dont 557 étudiants en octobre 2022.
(3) 
Pratiques managériales 2022, Apec, octobre 2022.
(4) 
Télétravail des cadres, Apec, janvier 2022.

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