DRH en Start-Up : le défi du recrutement
Audrey Dufrenne a été la DRH de la start-up Le Hibou pendant 8 ans. Première salariée de la plateforme d’intermédiation entre freelance et entreprise en 2014, approchée avant même que les statuts de la société ne soient déposés, elle a tenu seule les rênes des RH pendant cinq ans. Un parcours marqué par un défi central : comment recruter vite sans se tromper ?
"Tout a changé du jour au lendemain. Le business freelance a explosé, et au lieu de 14 recrutements prévus, on a dû en faire 40.”
Le monde de la start-up est le royaume de l’agilité, de la débrouille, de l’instinct. Mais quand vient l’heure de recruter, l’instinct ne suffit pas. Audrey Dufrenne l’a appris à ses dépens lorsqu'elle était DRH chez la plateforme Le Hibou.
Face à la pression opérationnelle, les embauches se sont enchaînées, sans prise de recul. Résultat : un an plus tard, 75 % des recrues ont été licenciées.
“On ne s’était pas posé les bonnes questions : de quoi a-t-on vraiment besoin ? Quelles compétences ? Quelles valeurs ? Quels comportements au quotidien ?”
La leçon a été brutale mais précieuse : recruter vite sans réfléchir, c’est recruter pour échouer.
Fonder une culture avant de grossir
Dans les premières années d’une start-up, le recrutement n’est pas qu’un besoin opérationnel, c’est un acte fondateur. “On ne cherche pas des experts tout de suite, mais des gens qui croient au projet, qui s’adaptent, qui s’engagent.”
Pour Audrey Dufrenne, les premiers recrutements façonnent la culture de l’entreprise. Elle parle de “piliers” qu’il faut choisir avec soin, car ce sont eux qui feront grandir la suite de l’équipe. “Aujourd’hui, je sais que le poste ne suffit pas : il faut définir aussi le type de personne, les soft skills, l’adéquation avec les valeurs. C’est un vrai travail de fond en amont.”
Savoir parler chiffres et stratégie
Dans cette période d’hypercroissance, Audrey Dufrenne a dû jongler seule entre les recrutements urgents, la structuration interne et les exigences du CODIR.
“C’était intense. On ne peut pas être perfectionniste, il faut apprendre à accepter l’erreur. Mais il faut aussi apprendre vite.”
Longtemps cantonné à un rôle administratif, le DRH devient ici un acteur central de la croissance.
“Il faut parler au CEO en chiffres, être dans la stratégie, poser les bonnes bases. Le recrutement, ce n’est pas remplir des cases. C’est construire une entreprise.”
En start-up, le facteur humain n’est pas un luxe : c’est une condition de survie. Lors des levées de fonds, les investisseurs s’intéressent de près à la culture d’entreprise, au climat social, à la qualité de vie au travail. Encore faut-il savoir les traduire en indicateurs concrets pour être entendu en haut lieu.
C’est la même logique côté recrutement : mieux vaut perdre du temps au début que toute une équipe après. Définir en amont les bons profils, les bons soft skills, les vraies attentes du poste permet d’éviter la précipitation… et les erreurs. Et dans une phase de croissance accélérée, chaque erreur coûte cher.
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DRH, un mal nécessaire ? Plutôt un garde-fou indispensable
Pour Audrey Dufrenne, la réponse est claire : le DRH est vital, dès le début. Les start-ups qui ne peuvent se permettre un RH à plein temps doivent au moins en externaliser certaines fonctions, ne serait-ce que pour traverser les crises.
“Le RH, c’est dur. On est sur le terrain, on porte les décisions difficiles, on prend les coups. Mais on porte aussi la parole des collaborateurs. Tout est aligné avec l’humain aujourd’hui.”
Avec l’IA et les mutations du travail, le rôle du RH ne va cesser de gagner en importance : accompagnement, formation, management, bien-être au travail. Ce qu’il lui manque ? Une meilleure reconnaissance, salariale, symbolique et stratégique.