« Pour certains collaborateurs, il est impératif de retourner en entreprise »
Le télétravail, instauré depuis mars 2020, perdure. Et les premières conséquences apparaissent. Quelles sont les conséquences pour les travailleurs ? Réponses avec Marie-Noëlle Carrette, Médecin spécialisée en santé au travail dans la Drôme.
Quelles conséquences du télétravail observez-vous dans les entreprises ?
Marie-Noëlle Carrette : Nous voyons une situation très particulière. Le télétravail a été imposé brutalement aux entreprises et aux collaborateurs. Il n’y a eu ni préparation ni anticipation. En mars 2019 les gens ont simplement déplacé leur bureau à la maison et se sont retrouvés coupés des autres, loin de leur organisation et de leurs repères habituels. Aujourd’hui, les premiers effets en matière de stress et de troubles musculo-squelettiques apparaissent.
Quelles sont les sources de stress ?
Elles sont multiples : la coupure brutale avec ses équipes et ses collègues, l’utilisation de nouveaux outils qu’il faut s’approprier rapidement, la perméabilité entre la vie personnelle et professionnelle, l’incapacité à disposer d’un espace adapté au travail, l’incertitude et l’insécurité permanentes…
Certains le vivent bien, voire trop bien et auront peut-être du mal à revenir dans l’entreprise. D’autres rencontrent des difficultés psychiques liées à l’éloignement et à l’isolement.
Quels sont les signaux d’alerte ?
La difficulté à déconnecter, l’hyper engagement, l’absence de pause, les TMS (troubles musculo-squelettiques). Certains ne gardent pas un rythme de vie normal : ils ne s’habillent plus, ils ne prennent plus soin d’eux.
Comment peut-on accompagner ces personnes ?
Les managers doivent être vigilants et veiller à proposer aux équipes des temps formels et informels d’échanges qui permettent aux salariés de collaborer mais aussi de discuter d’autres sujets que le travail. Même en visio, cela aide à maintenir le lien. Les salariés disposent ainsi d’un espace de décompression où ils peuvent retrouver l’ambiance de l’entreprise. Pour certains collaborateurs, il faut impérativement prévoir un retour sur le lieu de travail, dans le respect des normes sanitaires. C’est tout à fait possible, et beaucoup d’entreprises l’ont fait avec des systèmes de présence “par roulement" afin d’éviter que les effectifs sur site soient trop importants.
Quels troubles musculo-squelettiques observez-vous ?
Les salariés ont mal aux cervicales et aux membres supérieurs. Ils passent 4 à 5 heures sur leur chaise, parfois sans se lever et sans faire de pause. Ils sont mal installés. Il est donc important de veiller aux outils de travail. Les collaborateurs ont besoin de disposer d’un poste de travail sur écran ergonomique avec une souris adaptée, d’un écran positionné à bonne distance et bonne hauteur, d’un siège adapté. D’autant si cela perdure.
Pourtant, depuis mars 2020, les entreprises ont eu le temps de s’organiser…
Bien sûr, entre-temps elles ont pu s’organiser mais l’installation est encore trop souvent artisanale. L’ergonomie n’est pas optimale pour tous. On voit beaucoup de collaborateurs qui travaillent sur un bout de table avec des ordinateurs portables. Les managers n’ont pas tous été formés pour accompagner les collaborateurs éclatés géographiquement et c’est pourtant essentiel.