Intelligence émotionnelle à l’ère de l’IA : et si l’humain redevenait notre plus grand atout ?
À l’heure où l’Intelligence Artificielle transforme nos façons de travailler, de communiquer et même de décider, une autre forme d’intelligence devient essentielle : l’intelligence émotionnelle. Nous en avons parlé avec Christophe Haag, professeur à emlyon business school, chercheur en psychologie sociale et spécialiste reconnu de ce sujet. Son message est clair : dans un monde où l’IA progresse à toute vitesse, développer notre intelligence émotionnelle n’est plus une option, mais une nécessité.
          L’IA pense vite, mais ne ressent rien
ChatGPT, Mistral AI, Copilot… les outils d’intelligence artificielle se multiplient et bouleversent nos pratiques.
Ils analysent, prédisent, rédigent, et parfois même décident. Pourtant, l’IA n’éprouve rien. Elle ne ressent ni joie, ni peur, ni empathie, ces signaux subtils qui guident nos décisions, créent la confiance et nourrissent la collaboration.
Christophe Haag le rappelle : "ChatGPT, c’est de l’émotion théorique. Pour l’humain, l’émotion est physique : elle se vit, elle influence nos actions concrètes dans le réel."
C’est ici que l’intelligence émotionnelle entre en scène.
Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?
Née des travaux de Peter Salovey et John Mayer dans les années 1980, puis popularisée par Daniel Goleman, l’intelligence émotionnelle (IE) désigne la capacité à identifier, comprendre et réguler ses émotions et celles des autres.
Selon Christophe Haag, elle se distingue par trois dimensions :
- Identifier ce que l’on ressent (et ce que l’autre ressent) ;
 - Comprendre les causes et les conséquences de ces émotions ;
 - Réguler ces émotions pour agir de manière adaptée et constructive.
 
Il ajoute :
"L’intelligence émotionnelle permet de prendre des décisions plus rapidement et plus justes. Quand un problème se pose, si on attend trop longtemps, la situation a déjà changé."
En entreprise, cela signifie : mieux gérer les crises, réguler le stress, apaiser les tensions et favoriser la coopération.
Pourquoi devient-elle cruciale à l’ère de l’IA ?
L’IA modifie nos métiers, nos repères et nos relations. Cette transformation appelle une nouvelle forme de lucidité émotionnelle :
- L’adaptation permanente : dans un monde incertain, l’intelligence émotionnelle agit comme une "intelligence darwinienne", dit Christophe Haag. Elle nous aide à rebondir, à décoder les signaux faibles et à garder le cap dans la tempête.
 - La rapidité décisionnelle : un manager émotionnellement intelligent prend des décisions plus vite et avec plus de discernement.
 - La contagion émotionnelle : les émotions se diffusent dans une équipe. Un leader conscient de cette contagion crée un climat de confiance, propice à l’engagement et à la performance.
 - Le sens et l’humanité : ce sont nos émotions qui donnent du sens à nos actions. « Sans intelligence émotionnelle, que restera-t-il de l’humanité ? », questionne Christophe Haag.
 
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Les bénéfices concrets d’une forte intelligence émotionnelle
Les recherches de Christophe Haag et d’autres scientifiques convergent : les personnes émotionnellement intelligentes :
- sont plus résilientes face à l’adversité (par exemple les femmes atteintes d’un cancer du sein gèrent mieux l’annonce du diagnostic, leur traitement, gardent des liens sociaux et ont moins peur de la récidive) ;
 - ont un meilleur sommeil et une plus longue espérance de vie ;
 - développent une plus grande satisfaction de vie ;
 - mentent moins, sont moins toxiques, plus confiantes et plus authentiques ;
 - ont moins d’addictions (alcool, nicotine, numérique) ;
 - et construisent des relations sociales plus solides.
 
Autrement dit : l’intelligence émotionnelle n’est pas seulement un atout professionnel, c’est une compétence vitale.
L’intelligence émotionnelle se travaille à tout âge
Bonne nouvelle : contrairement au QI ou à la personnalité, l’intelligence émotionnelle n’est pas figée.
Elle se développe, s’entraîne, s’évalue, et progresse tout au long de la vie.
"On peut travailler son intelligence émotionnelle à tout âge. C’est même une faute professionnelle de ne pas le faire !", insiste Christophe Haag.
D'ailleurs dans son dernier livre, "Le Petit Guide illustré de l'intelligence émotionnelle", des experts proposent exercices concrets pour développer son quotient émotionnel.
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En conclusion : réhumaniser l’intelligence
L’intelligence émotionnelle est plus qu’un “soft skill” : c’est le ciment humain qui permet de donner du sens à la technologie.
Alors que l’IA multiplie les données et automatise les décisions, l’intelligence émotionnelle nous aide à rester alignés, connectés et humains.
Pour Christophe Haag, c’est clair : "Si nous sommes en haut de la pyramide des espèces, c’est grâce à nos émotions, aux liens que nous créons."
Et si, face à l’IA, le véritable défi n’était pas d’être plus intelligents, mais plus émotionnellement conscients ?